
Les amis, je vous vois et j’entends. Plusieurs d’entre vous se sentent négligés parce que le blog est souvent publié en anglais. Bien que le plate-form offre la possibilité de traduction, je comprends que vous vous sentiez quelque part délaissés. Ceci dit, ma relation avec la langue française a progressé ces dernières années, cependant sur un chemin pas nécessairement amical. Voyez vous chers amis, je viens d’une île de la Caraïbes appelée Haiti d’ou moins de 5% de cette population parle ou comprends le Français. Cependant, la majorité des bureaux publics ou encore les écoles utilisent strictement la langue française comme moyen de communication. Beaucoup de nos livres scolaires sont rédigés aussi dans cette langue inconnue de la grande, vraiment très grande majorité. Pourquoi tant d’années après notre dure et longue route vers la libération, mon île est encore sous le joug de la séparation imposée par le blanc colonisateur Français? Les langues voyez vous, ne sont pas seulement des outils de communication, mais aussi des instruments de séparation de classe, un outil de manipulation politique aussi pendant qu’on y est. Sinon, pourquoi la majorité des pays africains ont ils des langues de pays européens comme leur langue officielle?
L’un de mes empires romains, parce que j’en ai plusieurs, est la première rencontre de beaucoup de petits Haïtiens avec la langue française. Le jour de l’inscription en classe maternelle avant leur troisième année. Une situation des plus comiques quand on y pense….. Un enfant qui peut être n’a jamais entendu un mot en français est accueilli par un visage inconnu avec un sourire et « comment t’appelles-tu? Connais tu cette couleur » et autres. Non mais franchement, imagine le moment de détresse d’un petit bout de chou, premier jour de classe, effrayé d’être séparé de ces proches, perdu dans un tourbillon de langue inconnue, des visages inconnus, d’autres enfants pleurant, tout ce trauma dans son pays d’origine, parmi ceux qui pourraient le rassurer dans la langue qu’il connaît! Non mais vraiment! je me rappelle encore d’être sur la cour de récréation avec ses amis et entendre le fameux “enfant exprime toi” si la langue maternelle était utilisée! Oh le pire; se rendre dans un bureau de service public et constater le profond mépris pour ceux qui ne peuvent utiliser correctement la langue du blanc! Quel sacrilège que de se rendre au comptoir et d’oser poser une question en Créole! Non mais franchement, dois-je en pleurer ou en rire?
Je ressens une douleur à chaque fois que je me rappelle que Liliane Pierre Paul ne me dira plus en direct: « Sous Radio Kiskeya li fè katrè » avant son éditorial de quatre heures. Je grince mes dents à chaque fois je vois l’utilisation du “créole francisé ” par des amis ou proches. Cette nécessité de se rapprocher du blanc, de se démarquer de la masse, de se sentir supérieurs, de “s’exprimer” ne me suffit plus depuis plusieurs années. C’est mon choix de résistance contre toutes ” ces valeurs” inculquées si vous le voulez bien. Je n’ai appris à écrire correctement ma langue maternelle qu’à l’université! Donc, loin de moi toute prétention de juger qui que ce soit! Mon professeur de langue Créole utilisait le français pour nous expliquer les règles grammaticales! La seule heure de temps où parler le Créole n’attirait pas un regard hautain des supérieurs. Quelle amertume vraiment! Le premier jour de classe maternelle et le mauvais traitement dans les bureaux publics sont les mêmes dans un sens. Deux incidents éloignés diraient-on en surface, cependant liés l’un à l’autre. Beaucoup de parents Haïtiens font des sacrifices et efforts inimaginables pour assurer que leurs enfants reçoivent cette education qui leur préviendrait de se sentir mis à l’écart dans un bureau publique à cause de l’utilisation du Créole.
Pardonnez-moi moi si dans ma recherche à la découverte de moi même , la langue française ne me rappelle que domination et séparation la plupart du temps. Je me surprends à l’utiliser de moins en moins et je demande d’être rémunérée pour le faire dans le contexte d’un travail. Il m’a coûté beaucoup d’efforts et d’énergie pour apprendre cette conjugaison complexe et difficile! Sans parler de son orthographe parfois dépourvu de logique! Je continuerai à utiliser la langue française bien entendu pour ce blog, mais je pense qu’être transparente avec les lecteurs de ce blog était nécessaire aussi. J’ai tant de choses à apprendre sur moi même et à reconstruire qu’il pourrait devenir accablant. Cependant, il s’agit de ma journée et ma découverte personnelle. Je me « décolonise » et l’utilisation propre de la langue Creole est un premier pas. Ce texte n’est en aucun cas une attaque à ceux qui se sentent confortables dans leur statut quo. il m’a fallu beaucoup de reflexions, de thérapie, de recherche, un désir de me comprendre pour en arriver à ce point. Ce blog est une expression de ma vulnérabilité et désir d’avancer dans cette découverte de qui je suis, d’où je viens, et comment faire la paix avec ma réalité.
PS: Ou sont passées nos chaussettes? elles disparaissent toutes après quelques mois!
Link: https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2004-3-page-308.html
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Ma très chère, ce que tu dis est tellement vrai,mmmmm. On nous a traumatisé. Je me souviens que la directrice de l’école primaire a réprimandé mon père parce que je parlais créole pendant que j’étais dans les rues, pas même à l’intérieur de l’institution mais dans la rue.
Je n’ai jamais oublié cet épisode. Je continue à utiliser cette langue mais je me surprends à écrire en créole en évitant de le francisé. Se swa mwen ekri an kreyòl oubien mwen ekri an fransè.
Je fais la part des choses et je te comprends parfaitement ma belle.
Des textes en créole, c’est une très bonne idée. Tu es polyvalente bella
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Tellement traumatisée quand j’y pense!!!! Le pire c’est qu’elle sûrement pensait faire bien!
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Merci ma chère pout ce texte. La francophonie n’a rien fait pour notre peuple.
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C’est toujours difficile de se detacher. Mais, oui, le négatif…..
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